Qu’est-ce qu’un bail emphytéotique ?

Deux parties, en l’occurrence, le bailleur et le preneur peuvent conclure un bail emphytéotique qui obéit à des règles bien spécifiques. Il s’agit d’un bail immobilier de longue durée, entraînant un transfert de droit réel au profit du preneur. En effet, il confère au preneur un droit réel sur le bien immobilier en contrepartie du paiement d’une redevance. C’est une forme de bail qui permet, pendant un certain temps, au preneur d’effectuer des améliorations ou d’édifier des constructions sur un terrain appartenant à un propriétaire. Mais, à la fin de ce bail d’une longue durée, les améliorations ou les constructions deviennent la propriété du bailleur. Ainsi, le bail emphytéotique confère des droits, des prérogatives au preneur et au bailleur, mais impose, par ailleurs, des obligations à chacune de parties.

Définition

Le bail emphytéotique ou également appelé emphytéose est un type de contrat de bail de longue durée, comprise en 18 et 99 ans, et portant sur un bien immobilier (des terrains, des bâtiments d’exploitation, des bâtiments d’habitation).

Habitation
Le contrat de bail est un contrat de location de longue durée (entre 18 et 99 ans) portant sur un bien immobilier.

Il s’agit d’un contrat par lequel le propriétaire-bailleur loue son bien immobilier moyennant le paiement d’une redevance par le preneur, appelé également emphytéote qui s’engage à améliorer le bien. Ainsi, en concluant un bail emphytéotique, le bailleur confie son bien au preneur afin que ce dernier le mette en valeur, en réalisant des investissements visant à améliorer ledit bien de façon durable. Cependant, le preneur doit éviter tous travaux ou tous investissements susceptibles d’affecter ou diminuer la valeur du bien loué.

Ce bail confère au preneur la pleine jouissance du bien immobilier. Même s’il permet au preneur d’acquérir de façon temporaire une propriété, ce contrat exige qu’il effectue des travaux d’amélioration sur le bien loué. Mais, en fin de contrat, le bailleur devient propriétaire des améliorations, des ouvrages et des constructions que le preneur a réalisés pendant la durée du bail. Ainsi, les travaux d’amélioration, d’agrandissement, de réhabilitation ou de transformation d’usage qui ont été effectuées pour accroître la valeur du bien, profitent au bailleur à l’expiration du bail.

Dans le cadre du bail emphytéotique (ou contrat d’emphytéose), le propriétaire est également appelé le bailleur. Quant au preneur du bail emphytéose, il est souvent désigné par le terme emphytéote. Le bailleur et le preneur peuvent être des personnes physiques ou morales.

Quel est l’objet du bail emphytéose ?

Le bail emphytéotique était auparavant utilisé pour les activités rurales, notamment la transformation des terres non cultivées en terres agricoles. Il permettait à un propriétaire de louer son terrain à une personne en vue d’y installer des plantations et de les récupérer au bout d’un certain temps. Il était donc conçu à l’origine pour la mise en valeur et l’entretien d’un potentiel foncier agricole, de vastes espaces ruraux ou des immeubles ruraux.

Il destiné aujourd’hui pour divers biens immobiliers et pour divers usages visant à valoriser, à entretenir des terrains vierges ou déjà bâtis. Il s’agit, pour le preneur d’effectuer des investissements visant à apporter une plus-value à un bien immobilier par le biais des travaux de rénovation, de réhabilitation ou des constructions. En tout état de cause, toutes les améliorations, tous les ouvrages ou les travaux effectués par le preneur ne doivent pas compromettre l’existence du bien, ni diminuer la valeur du bien immobilier.

Ainsi, le bail emphytéose est consenti pour permettre au preneur d’effectuer des investissements qui peuvent concerner l’exploitation d’un terrain à bâtir, d’un immeuble bâti. Le bail emphytéotique s’applique aux immeubles à usage d’habitation, rural, industriel ou commercial. Ainsi, le cadre d’application du bail d’emphytéose s’étend à plusieurs types de biens immobiliers. De nos jours, il est alors utilisé pour la mise en valeur de patrimoine privé ou par des investisseurs ou des collectivités locales pour des bâtiments industriels ou commerciaux.

Quelle est la durée du bail emphytéotique ?

Lors de la signature, le bail emphytéose doit être consenti pour une longue durée : 18 ans au moins, sans pouvoir dépasser 99 ans. Il ne permet pas la reconduction tacite du contrat. Le bail emphytéose n’est pas un contrat perpétuel. Ainsi, le preneur est dans l’obligation de quitter les lieux lorsque le bail emphytéose arrive à échéance.

Oui ou non
Il n’y a pas une clause de tacite reconduction en matière de bail emphytéotique. A la fin du contrat, le bien revient de plein droit au propriétaire-bailleur. Ce dernier ou ses ayants droit décide(ent) ou non de reconduire le contrat, en accord avec le preneur.

Quelles sont les caractéristiques du bail à emphytéose ?

Le droit réel immobilier

La nature du droit attribué au preneur est celle d’un droit réel immobilier. Il s’agit d’un droit attaché au bien qui fait l’objet du contrat. Ainsi, le preneur a le droit d’user ou de jouir dudit bien. Pendant toute la durée du bail, il a le droit de céder ou d’hypothéquer partiellement ou totalement ce droit réel immobilier de jouissance qui lui permet de disposer du bien. Le droit réel immobilier qu’il détient est semblable à celui d’un propriétaire, il peut mettre le bien en location ou le sous louer.

Il peut effectuer une multitude d’actions, pourvu qu’elles ne réduisent pas la valeur du bien. Il peut effectuer, en toute liberté, une multitude de travaux (des aménagements, des constructions, des transformations…). Aucune clause ne peut interdire la cession des constructions réalisées par le preneur (le droit de libre cession) pendant la durée du bail.

Ainsi, pour qu’un contrat soit qualifié de bail emphytéotique, le droit réel immobilier et les prérogatives attachées à ce droit, doivent prévaloir. Lorsque le droit du preneur n’est pas associé à ces prérogatives, le droit qui prévaut n’est celui d’emphytéote.

La longue durée

Le bail emphytéotique est un contrat de longue durée qui doit être obligatoirement comprise entre 18 et 99 ans. Ainsi, la durée de validité s’étale dans le temps, entre des limites définies par la loi. Le bail emphytéotique ne peut être établi pour une durée inférieure à 18 ans et sa durée maximale est de 99 ans. Lorsqu’il est conclu pour une durée inférieure à 18 ans, il est alors requalifié. La tacite reconduction n’est pas valable.

Cependant, il est possible d’effectuer des renouvellements par volonté expresse des parties, sans toutefois dépasser la limite extrême (99 ans) au total. Ainsi, le bail emphytéotique est limité dans le temps. Il est établi pour une longue durée qui constitue un avantage pour le preneur puisqu’il dispose d’un temps suffisamment long pour effectuer les travaux, les aménagements, les rénovations ou les constructions.

La redevance ou le canon emphytéotique

Dans le cadre du bail emphytéotique, le preneur dispose de la jouissance du bien immobilier en contrepartie d’une redevance appelée canon emphytéotique. Cette redevance constitue le loyer du bail emphytéose. Elle est fixée librement par les parties et revêt un caractère modique ou modeste, voire symbolique.

Le montant du canon, lorsqu’il doit être payé en espèces, est généralement réduit ou minime en raison des charges (les travaux d’amélioration, d’entretien ou de construction) imposées au preneur pour la mise en valeur du bien immobilier et des améliorations qui reviennent au bailleur en fin de bail, sans indemnité. Ainsi, le preneur doit payer une redevance annuelle ou selon une modalité variable en argent et/ou en nature (l’apport en nature que constituent les travaux d’amélioration).

Intérieur de maison en rénovation
Le propriétaire bailleur reçoit une redevance qui peut être en nature (travaux d’amélioration du bien et/ou en espèces.

Les formalités relatives à la conclusion d’un bail emphytéotique

Le bail emphytéotique est un contrat qui doit comporter certaines informations, notamment  la description du bien pris à bail, les origines de la propriété, la durée du bail, le prix du bail, les obligations du preneur. Il doit être conclu par acte authentique, devant notaire et est assujetti à la taxe de publicité foncière. Cette publicité est requise pour l’opposabilité du contrat aux tiers.

Quels sont les droits et les obligations du bailleur ?

Droits

Le bailleur a droit au paiement de la redevance et peut demander également la résiliation judiciaire du contrat lorsque le preneur ne paie pas la redevance pendant deux années consécutives ou en cas d’inexécution des termes du contrat ou de détériorations graves sur le bien immobilier. Au terme du contrat, le bailleur recouvre la pleine propriété et bénéficie de toutes les constructions et améliorations réalisées par l’emphytéote.

Obligations

Le bailleur doit respecter le contrat qu’il a conclu avec le preneur. Aussi, il doit laisser le preneur jouir du bien immobilier qui est objet du contrat.

Quels sont les droits et les obligations du preneur ?

Droits

Disposant d’un droit réel d’emphytéose, le preneur ou l’emphytéote devient quasi-propriétaire du bien immobilier. Il est alors investi de prérogatives très étendues et peut : 

  • procéder librement à des améliorations ou faire des constructions qui augmentent la valeur du bien. Il possède un droit de propriété sur les améliorations et les constructions qu’il réalise pendant la durée du bail emphytéotique ;
  • exercer personnellement ou vendre à un tiers, son droit d’emphytéose ;
  • hypothéquer ou échanger la jouissance du bail ;
  • exploiter le bien immobilier pour une activité (commerciale) comme il l’entend ou comme s’il en était propriétaire ;
  • louer ou sous-louer librement le bien immobilier, objet de l’emphytéose, à d’autres personnes. Ce droit à la location et à la sous-location des constructions qu’il a édifiées, lui permet de conclure ou de renouveler des contrats de bail avec des locataires dans la limite extrême de la durée du bail emphytéotique ;
  • consentir librement, pour une durée limitée à celle du contrat de bail, une servitude passive ou acquérir, une servitude active au profit du bien immobilier.

Obligations

Dans le cadre du bail emphytéose, aucune obligation d’édifier des constructions ne pèse sur l’emphytéote, comme c’est le cas en ce qui concerne le bail à construction. La construction est possible, mais lorsqu’elle est obligatoire, il s’agit d’un bail à construction. Cependant, l’emphytéose est tenue d’apporter des améliorations ou d’opérer les transformations qui augmentent la valeur du bien immobilier. Ces améliorations ne doivent pas diminuer la valeur du bien et ne peuvent pas être démolies, ni détériorées à la fin du bail emphytéotique.

Aussi, le preneur doit :

  • payer le canon emphytéotique dans les délais ;
  • payer la taxe foncière et supporter l’ensemble des charges et contributions du bien immobilier, objet du bail à emphytéose ;  
  • entretenir le bien immobilier en effectuant les réparations de toute nature.

Quelles sont les causes d’extinction du bail emphytéotique ? 

Les causes d’extinction sont les suivantes :

  • l’expiration du terme du contrat : le bail emphytéotique prend fin avec l’arrivée du terme fixé par le bail et dans la limite de 99 ans. Il s’agit du mode d’extinction classique ;    
  • la résiliation à l’initiative du bailleur, en cas de non paiement de la redevance pendant deux années consécutives, de détériorations graves du bien par le preneur ou d’inexécution des conditions du bail emphytéotique ;
  • la perte de l’immeuble : le bail emphytéotique peut s’éteindre lorsque la perte de l’immeuble survient à la suite d’une destruction matérielle ou d’une expropriation pour cause d’utilité publique. 
Maison démoli
Outre la résiliation par le bailleur et l’expiration du terme du contrat, le bail emphytéotique prend fin en cas de destruction matérielle du bien immobilier ou d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Quels sont les avantages du bail emphytéose ?

Pour le propriétaire

A la fin du bail emphytéotique, le propriétaire reçoit un bien immobilier amélioré ou construit sans avoir à investir pour effectuer des améliorations ou des constructions, et sans avoir à verser une indemnité au preneur. Aussi, il perçoit une redevance durant la durée du bail et est libéré de toute taxe foncière, de toutes charges et contributions liées au bien, objet du bail emphytéotique.   

Pour le preneur

Le bail emphytéotique permet au preneur de louer un terrain pour effectuer des travaux d’améliorations ou de constructions. Il permet ainsi de limiter l’investissement dans l’immobilier puisqu’il n’y a pas de frais liés à l’achat de terrain.

Le preneur bénéficie pendant une longue durée d’un droit de quasi-propriété qui lui permet d’exploiter le bien immobilier, de développer un projet et de le rentabiliser en recueillant des profits. Il peut, par ailleurs hypothéquer, louer et sous-louer le bien immobilier.

Quelles sont les limites du bail emphytéotique ?

Avec le bail emphytéotique, le propriétaire est dépossédé, pendant une longue période de la quasi-totalité de ses droits sur le bien immobilier. Le loyer qu’il perçoit est modique. Quant au preneur, il perd la quasi-propriété à la fin du contrat, il ne peut pas devenir le propriétaire définitif. A la fin du bail, il quitte les lieux et tous les travaux effectués pour la mise en valeur du terrain, reviennent au propriétaire et il ne reçoit aucune indemnité.

Les frais du notaire pour un bail emphytéotique

Le bail emphytéotique est un contrat assez spécial en raison de sa nature (cession de droit réel sur un bien immobilier). C’est pour cette raison qu’il doit être authentifié devant un notaire. Ce juriste professionnel est investi de l’autorité publique, ce qui lui donne un pouvoir d’authentifier les actes juridiques pour ses clients. Il exerce ses activités dans un cadre libéral. Cela signifie qu’il a droit à un émolument proportionnel à la somme utile pour la publicité foncière. Ainsi si c’est :

  • Plus de 30 000 euros, le taux est de 0,922 % 
  • De 0 à 6 500 euros, le taux est de 3 353 % 
  • De 6500 euros à 17 000 euros, le taux est de 1 844 % 
  • De 17 000 à 30 000, le taux est de 1 257 % 

Cependant, le taux peut varier en fonction de plusieurs critères comme les honoraires ou encore les différentes taxes. Autant dire que c’est parfois difficile de connaître les dépenses à prévoir. Pour avoir une idée concrète sur la question, il est possible d’employer les différents simulateurs sur le web. Pour ce faire, tapez simplement « simulateur frais de notaire » sur n’importe quel moteur de recherche. Vous pouvez par la suite commencer la simulation.

Sources :

  • Carte Financement : le bail emphytéotique pour les nuls, août 2018 http://www.cartefinancement.com/actualites/immobilier/bail-+emphyteotique-pour-les-nuls
  • Christophe Degache : Vade-mecum du bail emphytéotique, avril 2018 https://www.village-justice.com/articles/vademecum-bail-emphyteotique,28236.html
  • Cours de droit .net : le bail emphytéotique http://www.cours-de-droit.net/le-bail-emphyteotique-a121608948

4 réflexions au sujet de “Qu’est-ce qu’un bail emphytéotique ?”

  1. Bonjour
    Je vous remercie pour cet article enrichissant.
    Le bail a réhabilitation et le bail emphytéotique sont similaires sauf que pour le 2e les biens immobiliers sont plus larges.
    Est ce que ces baaux sont soumis au code de la commande publique ?
    A la fin du bail emphytéotique le preneur est il dans l’obligation de reloger le locataire comme dans le bail à H ?

  2. Bonjour Maître,

    Mon grand-père a signé en 1948 un engagement de location sous seing privé, pour un terrain sur lequel il a édifié une maison, en accord avec le bailleur.
    Aucune durée de location n’est précisée sur cette engagement de location.
    Pour la construction de la maison, pas de permis construire, ni d’acte notarié.
    Après avoir hérité de cette maison et de l’engagement de location, j’ai fait faire un acte de propriété chez le notaire en 2010. Ce dernier a enregistré cet acte au service de la publicité foncière, accompagné de l’engagement de location.
    En 2013, le bailleur a vendu ses biens à une Société Civile Immobilière, sans me proposer l’achat du terrain.
    En février 2020, le nouveau bailleur ( la S.C.I. ) me fait savoir par lettre R.A.R. son intention de résilier l’engagement de location, moyennant un préavis de 60 jours et ce sans motif. Alors que le seul motif, que peut prétendre le bailleur pour résilier l’engagement de location, est le non paiement du loyer quinze jours après un commandement de payer, conformément à la clause résolutoire de l’engagement de location.
    Par lettre R.A.R., j’ai répondu au bailleur que j’étais à jour de paiement des loyers, et que je désirais poursuivre la continuité de l’engagement de location.
    J’ aurais dû quitter les lieux ce 21 avril 2020.
    Craignant que le bailleur revienne à la charge après le confinement, j’aimerais savoir :
    1) – Le bailleur a t’il le droit de résilier de façon unilatérale cette engagement de location ?
    2 ) – De quel type de bail résulte l’engagement de location ?
    3) – Malgré l’absence de durée de bail sur l’engagement de location, existe t’il une durée obligatoire?
    Merci, Maître, pour les renseignements que vous voudrez bien m’adresser.

    B.C.

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